“On ne va pas moduler tes horaires et s’adapter à chacun ! ”
C’est ce qu’on lui a répondu, à Lucie, sans aucun complexe.
Elle venait simplement de demander un peu plus de flexibilité dans ses horaires, pour mieux gérer ses enfants. Une demande légitime, formulée du bout des lèvres, de peur de paraître “pas assez impliquée”.
Quand le système fait comme si on n’avait pas d’enfant
Elle habite en Mayenne, avec son mari et leurs deux enfants de 5 et 8 ans.
Avant, elle travaillait 40 heures par semaine, dans une entreprise plutôt souple : elle s’organisait comme elle voulait.
Mais en déménageant, dans sa nouvelle entreprise, pour le même job, on lui demande de pointer. Le télétravail est mal vu.
“Ici, on ne va pas moduler les horaires pour s’adapter à chacun.”
Traduction : ce n’est pas au travail de s’adapter à la vie, c’est à toi de t’adapter au travail.
Le mythe de “l’équilibre” vie pro / vie perso
Dans l’imaginaire collectif, avoir des enfants, c’est rentrer le soir, dîner en famille, passer un bon moment, se reposer.
En réalité ?
Pour des millions de familles, c’est une course contre-la-montre permanente.
Et contrairement à ce que certains pourraient croire, les jobs les moins rémunérés sont ceux qui ont les horaires les plus atypiques et les plus compliqués.
On appelle ça pudiquement “équilibre vie pro / vie perso” alors qu’il s’agit en réalité… d’une incompatibilité structurelle entre parentalité et emploi.
Quand l’emploi ne suit pas, c’est la parentalité qui trinque
Quelques chiffres pour prendre la mesure du problème :
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Le temps de travail moyen en France d’une personne à temps plein est de 40 h/semaine (1). Selon l’INSEE, 46 % des Français ont des horaires atypiques (2). C’est-à-dire qu’ils travaillent parfois le week-end, la nuit ou le soir. Attention le « soir » ne correspond pas à des jobs qui se terminent à 19h. Ce sont les heures après 20h.
S’ajoutent à cela tous ceux qui travaillent entre la fin d’école et 20h, et tous ceux qui travaillent entre 5h du matin et le début de l’école, non comptabilisés dans les horaires atypiques.
Et ce n’est pas tout : les Français passent en moyenne 50 minutes dans les transports par jour entre le domicile et le travail (3).
Et le périscolaire ne suit pas, puisque rares sont les mairies qui proposent un accueil après 18h.
Cerise sur le gâteau 🍒 :
47% des communes ne proposent pas d’accueil le mercredi. (4)
Alors que l’ensemble des enfants n’ont pas court à minima l’après-midi.
Alors selon vous, combien d’emplois temps plein sont réellement compatibles avec la parentalité ?
À vue de nez… pas beaucoup.
Sinon, il faut prendre une baby-sitter, mais peu de Français ont les moyens, et trouver quelqu’un de disponible pour une seule heure, c’est mission impossible.
Et pour couronner le tout, les zones rurales sont souvent exclues de cette option : pas d’étudiant, et quand il y a des étudiants , ils n’ont pas forcément de voitures.
Mais qui trinque ?
Généralement, les mères* qui vont choisir un job en fonction des horaires, plutôt qu’en fonction de leur passion, sont celles qui dans le couple parental vont changer de travail, ou tout simplement s’arrêter.
Mais pas “pour pouponner deux heures de plus à la maison et faire des jeux de société”.
Non pour courir encore et encore. Entre l’école, le boulot, la maison, les courses, les repas, les devoirs, le rangement. Sans pause.
(*) Concernant les congés pour enfant malade, une étude de l’INSEE de 2013 indique que 51 % des femmes à temps partiel déclarent l’être pour s’occuper de leurs enfants, contre seulement 14 % des hommes. Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6453768?sommaire=6453776 En ce qui concerne le congé parental, une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiée en 2021 révèle que moins de 1 % des pères ont recours au congé parental à temps plein pour le premier enfant, contre 14 % des mères. |
Fatigue. Surcharge. Renoncement.
Selon une étude IFOP/APEC :
71 % des femmes salariées déclarent une surcharge importante à cause de la double pression professionnelle et familiale.(5)
Tu m’étonnes…
Et par-dessus le marché, certaines femmes culpabilisent de ne pas y arriver, comme si c’était elles qui n’étaient pas assez bien “organisées”.
Et au mieux, on répond à cette culpabilité, en les rassurant : c’est juste “normal” d’être fatigué avec la parentalité.
Et si tout cela n’avait RIEN de normal, mais était juste la conséquence d’un système que l’on n’a pas assez repensé ?
Source : https://www.cmvrh.developpement-durable.gouv.fr/barometre-de-la-charge-mentale-des-femmes-a4995.html |
Un modèle qui ne marche pour personne
Si les entreprises continuent de faire reposer leur emploi incompatible avec la famille, sur le travail gratuit d’une autre personne pour faire sa part…
Alors qu’un seul salaire ne permet plus d’assurer un niveau de vie décent pour toute une famille…
Et que cette fameuse personne n’a plus envie de jouer les variables d’ajustement…
Peut-on encore s’étonner de la chute du taux de natalité ?
Alors qui doit se remettre en cause ?
Les parents qui ne savent pas s’organiser ? ou les entreprises qui osent dire ouvertement qu’elles ne souhaitent pas chercher à s’adapter à la parentalité ?
Peut-être qu’il serait temps, que là aussi, la culpabilité change de camp…
Toutes les entreprises ne peuvent pas s’adapter à la parentalité —
mais beaucoup le pourraient… et ne le font pas.
Et du côté des mairies, on pourrait aussi proposer un périscolaire souple, élargi et de qualité, où les enfants s’éclatent vraiment — comme dans un club de plage, ou une colo.
Alors si toi aussi, tu penses que davantage d’entreprises devraient s’adapter, et certaines Mairies s’améliorer, commente juste ici 👇
Enfin ! Oui, arrêtons de faire croire aux individus qu’iels ne sont pas assez ci ou trop ça et admettons que notre société ultra capitaliste se moque bien de nos équilibres humains. Ce n’est pas un problème personnel, c’est un problème systémique. D’ailleurs, TOUT travail mérite salaire, et si le travail ménager et familial était reconnu et rémunéré ça changerait sacrément la donne…
En attendant cette mesure de simple justice, arrêtons de faire payer aux mères le prix de la natalité, que les pères et la société prennent leur part de responsabilité, qui est grande. Ce serait pas mal d’appliquer de temps en temps la devise de la république, y compris lorsque ça concerne la vie familiale et les femmes !
Bien vu, je change de travail en partie pour m’occuper mieux des enfants. Pas de périscolaire dans le village le mercredi, centres aérés qui font du gardiennage et ne cherchent pas vraiment à occuper les enfants pour les éveiller…
Exactement! Et c’est du vécu : ce système va fait tomber en burnout après mon 2eme enfant. Seule solution trouvée pour sortir la tête de l eau : être auto-entrepreneuse. Mais c’est un difficile équilibre entre insécurité financière et rythme familiale.
Merci CPMHK pour votre aide!
Je ne suis pas forcément pour que les mairie s’adapte car les enfants n’ont pas besoin de faire des heures de gardes supplémentaires, ils ont besoin de leurs parents en forme et disponible pour eux ! Je me retrouve totalement dans votre article travail a temps partiel pas par choix mais nécessite et pourtant je cours partout et suis débordée et épuisée ! Au travail on te fait culpabilise de partir a l’heure et de ne pas en faire plus (pour la gloire) société de merde !
Très difficile de concilier vie perso et vie pro pour les mamans qui travaillent et dont certaines sont en famille monoparentale…société toujours aussi patriarcale, penser pour des hommes, par les hommes… lorsqu’on est obligé de consacrer une journée par an pour les droits de la femme (pour se rappeler qu’elle en a elle aussi!), il y a de quoi se poser des questions… Certains disent: “la femme a voulu travailler. Qu’elle assume son rôle de mère et de salariée sans sourciller. Elle n’avait qu’à rester aux fourneaux!”
Il faut que les mentalités évoluent, que la remise en question, l’adaptabilité et la résilience ne soient plus réservés uniquement aux femmes. Messieurs, patron et/ou maris, il est temps de vous en rendre compte! Courage à nous toutes!
Une autre conséquence possible… Les accidents de la route ?
Je suis cycliste, et il y a peu j’allais à mon travail via une route de campagne. Une automobiliste m’a doublée de manière très imprudente, sans aucune visibilité et s’est en plus permis de me faire de grands signes pour me montrer son mécontentement. Je l’ai ensuite vue tourner vers le centre de loisirs quelques centaines de mètres plus loin. Elle aurait pu patienter, elle n’aurait perdu que quelques secondes…
Passé mon énervement (légitime) et la frousse qu’elle m’a collé, j’ai réalisé que si elle était si pressée, c’est peut-être que son employeur ne lui laisse aucune latitude dans son heure d’arrivée. Et qu’au delà d’être une sale c***e qui m’avait réellement mise en danger, c’est aussi un problème systémique qui met une pression intenable sur les parents, pressés malgré eux d’arriver au travail et avec des petits bouts pas toujours (non, jamais en fait) à l’écoute des “dépêche toi me mettre tes chaussures, je vais être à la bourre!”.
Alors non, le système actuel n’aide pas beaucoup les parents qui en bavent en particulier pendant les années avant le collège. Certaines entreprises accordent des congés enfants malades avant 6 ans… ben oui forcément après 6 ans les enfants se gardent tout seuls à la maison quand ils sont malades bien sûr.
Merci pour cet article qui pointe bien les injonctions auxquelles nous devons faire face.
Et une énorme pensée pour les parents d’enfants en situation de handicap, qui rencontrent encore plus de difficultés.